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Une marche à travers l'Europe

(en cours)
Récit d'une traversée d'Europe à pieds en solitaire et par les montagnes, du détroit de Gibraltar à Istanbul.
randonnée/trek
Quand : 19/02/23
Durée : 500 jours
Distance globale : 6716km
Dénivelées : +188469m / -185446m
Alti min/max : -1m/3013m
Carnet publié par SamuelK le 08 oct. 2023
modifié le hier
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
Précisions : Pour me rendre au départ : bus de Bordeaux à Tarifa. Pour le retour : en voilier par la méditerranée ?
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Vue d'ensemble

Le topo : Slovénie : Monte Forno > Idrija (Triglavski narodni park) (mise à jour : 31 oct. 2023)

Distance section : 127km
Dénivelées section : +5478m / -6437m
Section Alti min/max : 328m/2057m

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Le compte-rendu : Slovénie : Monte Forno > Idrija (Triglavski narodni park) (mise à jour : 31 oct. 2023)

Depuis la cabane où j'ai séjourné deux jours et trois nuits, je monte au Monte Forno où se rejoignent les frontières de l'Autriche, l'Italie et la Slovénie. Ça y est, je descends en Slovénie, j'entends une nouvelle langue, slave cette fois, j'entre dans un nouveau pays, un peu plus loin, un peu plus dépaysant. Je pénétre rapidement dans le parc du Triglavski qui marque la fin des Alpes juliennes. Ce parc tient son nom du mont Triglav à 2864m, le plus haut sommet du pays représenté sur son drapeau, également le plus haut sommet de l'ex-Yougoslavie. Les montagnes du Triglavski, comme globalement le reste du pays, sont karstiques. Les roches calcaires façonnent le paysage, forment des falaises, des gouffres et des grottes. Ces pierres blanches saillantes sont partout dans les forêts comme dans les hauteurs. L'eau circule dans des réseaux souterrains complexes et invisibles. Il n'y presque aucun ruisseau. Par endroit, l'eau jaillit de la roche de manière épatante et donne naissance à une rivière déjà large et puissante. Je suis allé voir par exemple les sources de la rivière Soča à l'eau bleue turquoise, et de la rivière Savica qui alimente le lac Bohinjsko, toutes deux jaillassant au beau milieu d'une falaise.

En entrant dans le parc du Triglavski, je marche dans des forêts qui me facinent par leur beauté. Je ne sais pas si c'est ma réceptivité à ce moment-là, la période de l'année et l'éclairage de fin d'après-midi, l'ambiance de ces forêts de hêtres sur sol calcaire, un peu de tout ça sans doutes. Les endroits les plus émouvants subjectivement ne sont pas toujours les plus grandioses objevtivement. En sortant des forêts et en gagnant en altitude, les hauteurs du massif ont leur identité particulière avec leurs lacs et toujours cet environnement calcaire. Un jour en fin d'après-midi, j'entends de magnifiques brames dans la forêt qui recouvre le pan de montagne juste en face de moi. Les cerfs semblent nombreux et proches les uns des autres. Le plus proche doit être à une centaine de mètres de moi. Le soleil se couche déjà et j'ai prévu de rejoindre un lac sur un plateau bien plus haut pour me ravitailler en eau et dormir. Mais j'ai du mal à m'arracher à ce moment, je m'arrête tous les cent mètres pour mieux écouter le brame et espérer voir un cerf bramer dans les interstices de la forêt. Je suis partagé entre l'appel naturel de rester, et la nécessité d'avancer. Je monte alors lentement en suivant en continu le coucher du soleil derrière une montagne au loin. Je souhaite vraiment accueillir ce spectacle comme il se doit mais je n'ai plus que 0,75L d'eau et j'ai déjà soif. Et puis mince je peux m'adapter et profiter de cet instant : je ne me laverai pas ce soir et me rassionerai en eau, j'aurai soif demain matin jusqu'à arriver au lac, c'est OK. À part de rares exceptions, je me suis toujours lavé le soir pendant ces sept mois de marche et de vie dehors. Toujours propre dans des habits propres le soir, et le matin j'enfile toujours des chaussettes propres. Avec 0,5L et la technique, je prends une douche suffisante, avec 1L je peux en plus me laver la tête, et les rares fois où j'ai moins, je me lave au minimum systématiquement les pieds. En pleine montée je trouve une large roche lisse et plate idéale pour dormir à la belle étoile, là ou bivouaquer aurait été sinon délicat. En voyant les nuages filer à toute vitesse au-dessus de moi, je me dis que je ne suis pas si mal ici à l'abri du vent. J'écoute attentivement le brame toute la soirée, je ne m'en lasse pas. Ce rugissement au répertoire varié, un bruit qui pourrait être un mélange entre un grincement et un rot je me dis, beau pourtant, émouvant et fascinant en tout cas. Je m'endors avec ces cerfs qui brament jusqu'au petit matin. Finalement le vent atteint mon spot de bivouac et je passe une mauvaise nuit, mais j'ai vécue cette soirée à écouter les cerfs. J'entendrai le brame du coucher au lever du soleil presque tous les jours qui suivent jusqu'à la fin de la période de reproduction. C'est devenue une habitude dont je ne me lasse pas non-plus.


Après le Triglavski je parcours la campagne slovène en Haute-Carniole, tantôt vallonnée, tantôt montagneuse. Là c'est vraiment la fin des Alpes. La campagne est belle, avec de beux villages, de belles granges, des arbres fruitiers et de beaux potagers partout, tout étant soigneusement entretenu pour que ce soit beau. Je m'arrête une journée dans la ville d'Idrija, qui s'est construite autour de sa mine de mercure. La mine a été en activité du quinzième siècle jusqu'en 1980. Deuxième plus grande mine de mercure au monde après celle d'Amaldén en Espagne, la mine s'est modernisée au fil des époques, s'étendait jusqu'à 400m de profondeur, et a fourni environ un tiers de la production mondiale de mercure. De tout temps le travail dans la mine était très éprouvant et les mineurs mourraient prématurément de leur exposition au mercure. L'extraction du minerai a aussi provoqué une pollution au mercure locale qui s'étend jusqu'à la mer. On m'a dit qu'il est toujours proscrit de manger les poissons de la rivière Idrijca. La pollution est bien plus meurtrière là où plus de la moitié du mercure est utilisé : dans l'orpaillage légal ou illégal par la création d'amalgame mercure-or. Environ 70% de cet or est utilisé en bijouterie. Au-delà des usages domestiques, industriels et médicaux, et au-delà des conditions de travail des mineurs critiquables à toute époque, pour des bijoux, je me dis qu'on pourrait intelligemment se passer d'une grande partie du mercure extrait et de ses conséquences. La mine d'Idrija a été fermée suite à la chute du prix du mercure due à son remplacement par d'autres métaux dans de nombreux usages. La majorité des galeries a été comblée et une partie a été conservée pour le musée de la mine d'Idrija.
Arrivée dans le Triglavski, entre rivières, forêts de hêtres, et sommets calcaires.
Arrivée dans le Triglavski, entre rivières, forêts de hêtres, et sommets calcaires.
La source de la rivière Savica qui jaillit de la falaise comme par magie.
La source de la rivière Savica qui jaillit de la falaise comme par magie.
Le mont Triglav, toujours visible de loin en quittant le Triglavski vers le Sud.
Le mont Triglav, toujours visible de loin en quittant le Triglavski vers le Sud.
Un matin je me réveille au bord du lac Bohinjsko entièrement dans les nuages. Le soleil dissipe progressivement ce brouillard qui se reflète parfaitement sur le lac. Un nouveau spectacle féerique, juste là.
Un matin je me réveille au bord du lac Bohinjsko entièrement dans les nuages. Le soleil dissipe progressivement ce brouillard qui se reflète parfaitement sur le lac. Un nouveau spectacle féerique, juste là.
Lever de soleil depuis l'intérieur d'un bunker.
Lever de soleil depuis l'intérieur d'un bunker.
Le sac chargé de 3-4 kg de champignons "pieds de moutons" qui aiment les forêts calcaires. Ma mission : trouver quelqu'un avec qui les partager.
Le sac chargé de 3-4 kg de champignons "pieds de moutons" qui aiment les forêts calcaires. Ma mission : trouver quelqu'un avec qui les partager.
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